DISCOURS DE DROITE, POLITIQUE DE GAUCHE
Un contexte favorable.
Depuis son élection, Emmanuel Macron bénéficie d’un contexte porteur : la croissance est de retour, révisée plusieurs fois à la hausse, autour de 2%, et s’annonce durable. Elle crée évidemment un climat favorable dont le Président récolte la popularité sous forme d’une certaine mansuétude d’une partie de l’électorat de la droite. Un climat d’optimisme s’est installé dans le pays.
Nous devons constamment rappeler que cette croissance n’est pas due à la politique du gouvernement actuel. Elle est portée par l’extérieur : un bon contexte du commerce mondial, une reprise en Europe solide. Elle s’accompagne d’une faible diminution du chômage (conjoncturel), et d’un creusement de notre déficit extérieur (importations). Si l’on compare avec nos voisins, elle fait moins bien : elle reste à la traîne de l’Europe.
Ce tropisme des électeurs de droite est accentué par la disruption permanente que pratique Macron : ces empiétements verbaux sur les thèmes de la droite ne sont pas nouveaux. Plusieurs fois il a été obligé de corriger ses propos lorsqu’il était ministre, et il a pris un malin plaisir à brouiller les pistes en allant à Orléans, aux fêtes de Jeanne d’Arc (totem FN), chez De Villiers au Puy du Fou où il affirma : « Je ne suis pas socialiste », pour continuer pendant sa campagne avec « ni de droite, ni de gauche » ou « de droite et de gauche »…
La nomination d’Edouard Philippe et celle de Bruno Le Maire et quelques autres ont complété le tableau. Macron ayant pulvérisé la gauche socialiste, et réussi à débrancher Mélenchon, il a le champ libre pour manœuvrer à droite et tenter de déstabiliser les Républicains, la seule force politique digne de ce nom qui peut encore s’opposer.
Il occupe pleinement la fonction : il fait montre d’autorité dans le comportement et représente la France avec brio à l’étranger. Il faut dire qu’après Hollande, qui n’avait ni l’une ni l’autre, la comparaison est vite faite. Il a nommé un Ministre de l’Education qui a pris le contrepied systématique de la politique catastrophique de Vallaud Belkacem. Il tient des discours de fermeté sur la politique migratoire, sur l’autorité de l’Etat, sur la justice, sur la sécurité. De quoi plaire à droite !
Une stratégie qui semble marcher, puisque 48% des soutiens de la droite lui accordent la confiance.
Question : les faits sont-ils en accord avec les discours ?
Les faits sont têtus.
Si les discours de l’exécutif sont fermes, les faits ne confirment pas la volonté affichée. Les petites phrases disruptives semblent former comme un écran de fumée pour cacher une réalité toute autre. Il ne suffit pas de dire à une femme marocaine : « Madame, si vous n’êtes pas en danger dans votre pays, il faut retourner chez vous ! » quand on ne fait pas grand-chose pour les reconduites à la frontière…
La réalité de Macron, c’est :
- Plus d’immigration : les chiffres de 2017 sont accablants, plus d’immigration incontrôlée, moins de reconduites.
- Moins de sécurité : la fin de l’état d’urgence a été remplacée par une loi qui abaisse la garde et rend plus compliquée la lutte antiterroriste.
- Refus des peines planchers, notamment pour les agresseurs d’agents des forces de l’ordre.
- Peu de résultats (directive travailleurs détachés, Europe, Climat…) : les beaux discours ne se traduisent pas dans les faits. Les modalités du travail détaché ne changeront pas avant 2022, sur l’Europe, ils se noient dans les négociations à 27 et buttent sur une volonté allemande affaiblie, la conférence climat a accouché d’une souris, sauf pour les Français qui se prennent les taxes climat de Hulot…
- Recul sur ND des Landes : que dire de l’autorité de l’Etat qui recule devant quelques dizaines de zadistes. L’ordre républicain proclamé la veille dans le Pas-de-Calais bat en retraite piteusement.
Les réformes :
- On nous rebat les oreilles avec les quelques réformes qui vont dans le bon sens, que « même la droite aurait rêvé de faire ! Qu’en est-il vraiment ?
- Le Code du travail : elle n’est pas allée assez loin. Les nouvelles modalités de licenciement et les indemnités prudhommales peuvent être facilement contournées. Elle aura peu d’effets en termes d’assouplissement du marché du travail.
- L’ISF : sa suppression est une bonne chose, mais elle ne profitera qu’à ceux dont les revenus proviennent du capital.
- Flat taxe à 30% : le prélèvement forfaitaire unique est nettement plus favorable que les régimes antérieurs.
- La bascule des charges sociales rendue possible par la CSG bénéficient à la plus grande part des salariés, améliorant leur revenu net, auquel s’ajoutera le bénéfice de l’exonération de taxe d’habitation (80% des Français). Rappelons que la suppression totale de cette dernière est annoncée mais n’est pas financée (10 milliards).
Elles sont contrebattues par :
- L’IFI : un impôt qui sanctionne lourdement la propriété immobilière.
- La hausse de la CSG : 23 milliards d’euros. Ce prélèvement va peser lourdement en particulier sur les retraités qui se voient amputés d’une part de revenu non négligeable. Pour les fonctionnaires, l’Etat a prévu une prime compensatoire, accentuant l’injustice de cette répartition.
- La surtaxe temporaire de 30% sur les bénéfices des grandes entreprises : le gouvernement n’a pas hésité. Pour faire face aux 10 milliards qu’il doit rembourser aux entreprises qui ont payé la taxe sur les dividendes invalidée, il n’hésite pas à prélever 5 milliards sur les grandes entreprises.
- La hausses des taxes sur les carburants, l’augmentation générale des amendes, du tabac, etc. à conduit l’Insee à annoncer une augmentation de 4,5 milliards de la charge fiscale sur la ménages, contrariant le message gouvernement d’amélioration du pouvoir d’achat.
Rien d’étonnant : ce sont les mêmes qui sont aux manettes que sous Hollande (Pisani-Ferry, Terra nova…). Le gouvernement applique toujours le principe des vases communicants. Ce qu’ils donnent à certains, il le prend à d’autres tout en complétant le dispositif d’un nuage de mesures difficiles à quantifier. Une diminution véritable de la fiscalité n’est tout simplement pas possible avec cette logique-là. La France n’a aucune marge de manœuvre. Elle continue d’avoir le déficit le plus important de la zone euro et une dette publique qui ne cesse de grimper. L’amélioration des finances affichée est en trompe l’œil, elle n’est due qu’à des recettes dopées par la croissance, dont on s’empresse de dépenser la cagnotte au lieu de la consacrer au désendettement. Le taux de prélèvement obligatoire n’en reste pas moins le plus fort d’Occident et il devrait encore progresser. Face à la guerre de surenchère fiscale lancée par Trump, la France est le pays européen le plus désarmé pour y répliquer.
La France finance sa croissance à crédit en creusant son déficit extérieur et sa dette. Elle ne cherche pas à répartir l’effort en créant de la richesse supplémentaire, mais par des transferts qui pèsent toujours sur les mêmes. C’est une politique typiquement keynésienne de gauche.
Le budget 2018
Il est dans la continuité des précédents :
- Déficit de 85 milliards d’€
- Recours massif à l’emprunt : La France empruntera plus de 180 milliards d’€ cette année, pour financer son déficit et rembourser ses annuités d’emprunts.
- Il accroît lourdement l’endettement.
- Il ne fait pas d’économies structurelles : comme les années précédentes, les économies sont réalisées par la « technique du rabot ». Les 15 milliards d’économies annoncées n’existent pas ne terme d’efforts, c’est le résultat du ratio croissance sur PIB.
- Faux cadeau de la taxe d’habitation : les contribuables la paieront de toute façon, puisque l’Etat compense le manque à gagner des collectivités. De plus sa suppression totale exigera un effort supplémentaire de 10 milliards qui n’apparaissent nulle part dans les prévisions budgétaires.
- 4,5 milliards d’impôts en plus pour les ménages via la CSG et l’alourdissement de toutes les taxes.
- Pas de baisse de l’impôt sur le revenu, rien pour les entreprises qui améliore leur compétitivité. Elles perdront à la transformation du CICE en allègement de charges, et en 2019, elles n’auront plus aucun soutien financier.
Le budget 2018 accroît la pression sur une base toujours plus étroite de contribuables et élargit le principe de l’exonération et de la mise sous conditions de ressources. Plus que jamais, il y a ceux qui paient et ceux qui touchent, au nom de la « justice » qui est aussi l’inéquité la plus flagrante.
UNE POLITIQUE DE GAUCHE
L’action du gouvernement actuel que les médias situent allègrement comme une politique de droite, garde pour l’essentiel tous les traits caractéristiques d’une politique sociale-démocrate :
Relance par la consommation avec la suppression des cotisations salariales, financée par un accroissement de l’impôt (la CSG). Elle conduit à l’accroissement du déficit commercial à cause des importations de biens de consommation en provenance d’Asie.
- Prolongation du CICE : typiquement un schéma de gauche. Une baisse des charges aurait été plus efficace, mais échappe au contrôle de l’Etat.
- Étatisation des cotisations maladies et chômage : c’est une volonté politique de transformer le modèle assurantiel en modèle étatique. Financés par l’impôt, la maladie et le chômage perdent le lien avec le travail, les prestations changent de nature.
- Renforcement de la tutelle de l’Etat sur les collectivités (suppression de la taxe d’habitation, baisse des dotations…). On perd de plus en plus le principe de décentralisation, confirmé par le discours sur l’abandon de Notre-Dame des Landes (vision centralisatrice : allez donc prendre l’avion à Paris !)
- Renforcement de l’économie administrée (plans d’investissements, plans de formation professionnelle…)
- Famille : allocations sous conditions de ressources, suppression de la prime au 1er enfant. Résultat : baisse de la natalité !
- Pas de baisse d’impôts sur le revenu des classes moyennes.
De nombreux sujets sociétaux doivent susciter notre vigilance :
- PMA/GPA
- Loi bioéthique
- Flou sur le communautarisme
- Flou sur la laïcité
- Réforme de la constitution : affaiblissement du parlement et modes d’élections (proportionnelle)
- Modification de la loi pour les européennes : les listes nationales sont une régression démocratique.
A propos de l'auteur

Geoffrey COSQUER
Délégué de la 6ème circonscription.